Lorsque les attentats du vendredi 13 novembre dernier sont arrivés, j’étais en train d’écrire la newsletter de l’institut.
Devant les images diffusées en boucle à la télé, j’ai posé mon stylo, sidéré. C’est seulement aujourd’hui que je reprends l’écriture. Cela pour deux raisons, D’abord par pudeur et par respect pour les victimes et leurs proches, je ne voulais pas prendre la parole à leur place ou en leur nom, un temps de silence s’imposait à moi. Ensuite comme je l’ai déjà écrit parce que je suis resté sidéré.
Un attentat n’a pas pour finalité de tuer. Tuer quelques-uns n’a pour but que d’atteindre la sidération de tous, cette sidération que les psychiatres appellent "le stress dépassé".
Le psychiatre Antoine Pelissolo nous donne une explication physiologique à ce qu’on appelle "le stress dépassé" : « le corps sécrète une grande quantité de corticoïdes, ce qui provoque une paralysie. Cela sert normalement à se protéger d’un événement trop violent. »
Dans l’événement des attentats, deux éléments ont provoqué notre sidération :
d’abord parce que le caractère aveugle et massif des attentats fait de nous des victimes potentielles ou proches d’une victime.
Ensuite parce que nous ne maitrisons rien dans ce genre de situation, nous sommes profondément choqués par le caractère inexplicable de ces événements.
Berne a défini que l’un des trois besoins fondamentaux de l’être humain est le besoin de structure. Besoin qui lorsqu’il est satisfait nous permet de connaitre le sentiment de sécurité, notre cerveau se nourrit de sens, qu’en il n’en trouve pas, le stress s’installe.
En octobre 2015, Michaël Foessel a publié aux éditions du Seuil "le temps de la consolation".
Il développe l’idée que la philosophie ne console pas, mais qu’elle peut nous aider à comprendre ce qui se passe quand une perte est subie et à nous prémunir contre les consolations trop rapides.
C’est ces deux points qui, en tant que psychothérapeute ont attiré toute mon attention.
Effectivement, la question principale est : qu’avons-nous perdu ? Cela vaut pour la perte d’un proche, comme pour la perte d’une espérance collective. Pour ce qui est des attentats de novembre, je vous laisse découvrir la réponse de Michaël Foessel.
Notre rôle, en tant que psychothérapeute, est souvent de mettre des mots sur la douleur, de laisser une place et du temps à la tristesse dans une société où deux positions dominent : la mélancolie inconsolable ou à l’opposé "le trop vite consolé". Freud dans son essaie "Deuil et mélancolie", démontre que le risque de celui qui reste inconsolé est de rester bloqué dans le passé, sans avenir.
À l’inverse, le trop vite consolé est dans une logique de travail de deuil, de résilience ou toute tristesse est niée, il obéit à l’injonction de passer rapidement à autre chose, souvent au prix de refoulements couteux en énergie, de somatisations douloureuses.
Le processus de thérapie va tenter d’offrir un espace où la personne va intégrer le fait que pour une part, maintenant elle est constituée par cette perte et en même temps qu’un avenir existe.
C’est une tâche ardue de notre travail, qui parfois n’est pas sans conséquence pour les professionnels que nous sommes.
En 1991, l'ITAA publiait ce dessin

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